LE RESEAU EUROLATINOAMERICAIN DE RECHERCHE  CELSO FURTADO

Origine, Objet, Méthode


Sur la suggestion de l'Instituto de Investigaciones Economicas del UNAM (Mexico,directora, la professora Alicia GIRON),cet Institutet l'ISMEA (Paris, directeur Gérard de Bernis) ont décidéde créer le Réseau Eurolationoaméricain de recherche sur l'économielatinoaméricaine -RED eurolatinoamericana "Celso Furtado".

Du 16 au 21 mars, se sont réunis à Paris (à l'ISMEA) les responsables de l'Instituto de Investigaciones Economicas delUNAM(sa Directrice, la Professeur Alicia Giron, la Professeur Maria Eugenia Correa de la Facultad de Economia) et que lques professeurs d'économie de la UAM-Iztapalapa (Juan Castaingts, ArturoGuillen, Gregorio Vidal), et des professeurs du Brésil (Teotonio Dos Santos), et du Honduras (Gustavo Aguilar,B.) et un groupe de professeurs d'économie des Universités françaises (Gérard de Bernis, Hector Guillen, GérardKebabdjian, Christian Palloix, Pierre Salama, Stéphanie Treillet), espagnoles (Antoni Garrido), italiennes (Leonardo Asta, Antonio Rao), et portugaises (Lisette Medeira, Antonio Rao). Ils ont été unanimes á considérer que devantla paralysie relative de la réflexion glabale sur les questions qui se posent dans le champ de la théorie du développement, il étaitnécessaire de construire un Réseau de Recherches sur le dévelopmentdans les pays latino-americain.

  Au débutdes années 1960, la problématique concernant le sous-développements'articulait autour de trois idées directrices:

 1°/l'opposition entre un centre capitaliste, riche, dominant ou impérialiste, et une périphérie, pauvre et dominée; cette relation de dominationet de dépendance se manifestait sous diverses formes, toutes plusdangereuses les unes que les autres, dont la combinaisonpouvait varier d'un pays à l'autre de la périphérie, ce qui amenait les différents auteurs, dans le cadre général de la domination et de l'impérialisme, á insister plus ou moins sur tel outel aspect, le retard dans les transferts des tecniques les plusmodernes, les "prix de cession interne", les prélèvementsde surplus á travers le système des prix, les effets de démostrationá caractère négatif, etc.

 2°/l'opposition entre deux thèses, une thèse linèaire du sous-dèveloppement (celle de Rostow, qui prédominait dansla majorité des universitiés anglo-saxonnes) qui le considerait comme un retardsur la voie de la croissance), et la thèse hétérodoxedu soux-développement qui le considérait comme le resultatd'un blocage dû á la nature des relations entre les payscapitalistes développés et les pays périphériques(la "relation centre-périphérie" définie par les économistesde laCEPAL dés les années 1950, en particulier Furtado et Prebisch):les analyses de la CEPAL, de Perroux, de la théorie de la dépendancen'excluaient pas les analyses de Marx, de Schumpeter, voire de Keynes pource qui concerne le rôle actif de la monnaie, et insistait plus sur le développement que sur la croissance pure(Perroux), et qui se renforceront avec les thèses du structuralismeet de l'évolutionnisme;

 3°/l'opposition entre deux stratégies: d'un côté, unestratégie d'imitation du modéle de développement occidental,qui cherchait á intégrer toujours plus  profondément les pays lesmoins développés dans la division internationale du travail;d'un autre côté, une stratégie de rupture, soit dans le cadred'un modéle de développement réellement alternatif,incluant une véritable réforme agraire, soit dans le cadre d politiques auto-centréesd'industrialisation, dont le modéle principal a été successivementcelui du Mexique des années 1950, puis celui du Brésil avantle cou d'Etat de 1962, que l'Algérie a imité jusqu'àla disparition de Boumediéne, mais aussi, sous d'autres formes,et avec d'autres pratiques (taux de change multiple de fait)celui de la Corée du Sud, où l'exploitation des travailleursa été la plus violente durant longtemps.

  Depuiscette époque, la situation a profondément changé.Ce que l'on pouvait désigner, encore dans les années 1975, commele Tiers-Monde s'est fragmenté et divisé contre lui-même,sous la pression des évolutions du prix du pétrole et surtout de la"crise de la dette" qui a fait de tous les pays qui le constituaient unmonde le concurrents, au point que chacun était obligéde vendre d'autant plus que le puvoir d'achat de leurs exportations encessait de baisser. L'ensemble que constituaient les payssocialistes, et qui avait aidé une partie au moins du Tiers-Mondeà progresser, a été littéralement détruit,ce qui a lourdement aggravé la situation de certains pays du Tiers-Monde (I'Inde parexample). Le processus de libéralisation a modifié à son tour le système des prix relatifs, faisant échouerles perspectives dans le régions les plus appauvries des phénoménesmassifs d'émigration, au moment oú tous les pays développés,eux-mêmes marqués par une crise grave de leurs économies,refusaient d'accueillir les migrants. La masse des liquidités monétaires,due aux déficits structurals des Etats-Unis, aux dettes publiques des pays les plus avancés, et à l'énormemasse de créances dues á l'endettement du Tiers-Monde -des déséquilibresde l'économie réelle que celles-ci n'a pas voulu résoudreen son sein, et quelle a rejetés sur le système financière,qui ne pouvait les gérer que dans sa propre logique de marché-à conduit développement des marchés financiers, dontles plus dangereux d'entre eux, les marchés organisés ounon des produits dérivés, tel que les mouvements de ces capitauxpeuvent détruire en quelques mois les résultats des effortsde développement que les peuples du Mexique et de l'Asiede l'Est qui ont disposé pour moins longtemps au Mexique, pour pluslongtemps en Asie de l'Est, d'un Etat puissant et volontaire,avaient assumé de longues années durant. Les termesdu débat concernant le sous-développement ont donc radicalementchangé, mais surtout, les débats concernant le développementont disparu, et les économistes s'intéressent davantage aux marchésfinanciers qu'au développement. Dans certains pays, on n'hésiteni à dire ni à écrire "pourquoi s'intéresserà l'Afrique, quel avantage peut-on en tirer, hors des matièrespremières à bon marché,mais on en a de moins en moins besoin?". Les programmes universitairesd'économie dans les pays avancés en sontvenus à en plus faire qu'exceptionnellement une place aux questionsdu développement. Il est urgent de réagir contre cestendances.Telle est la raison qui nous a conduits à créer ce Réseaude recherches.

  La REDest constituée d'unensemble d'Instituts de recherche en scienceeconomique (latino-américains et europeens) dont l'objectifcommun est d'organiser un échange permanent d'informations, d'analysesy de propositions concernat l'évolution sociale,économique et politique, des pays de l'Amerique Latine, sans lesisoler du reste du monde.

  La REDse veut un lieu de liberté intellectuelle, le pluralisme en estla règle et en soufrira pas d'exception. Nous tenos à conserverl'état d'esprit que nous avons vécu et contribué àdévelopper au cours de années 1960. Nous continuons ànous référer aux analyses de la domination et de la dépendance, á noussituer dans le cadre de la relation centre-périphérie, ànous référer à Marx, à Schumpeter, à Perroux, et á Keynespour toute notre analyse de la monnaie, et nous en voulons ignorer ni le structuralisme,ni l'évolutionnisme pour tout ce qu'ils peuvent nous apporter. Cetteliberté permettra à chacun de parler sereinement,sans èprouver ni le besoin de faire renaître une quelconqueorthodoxie, ni celui de recourir au langege le plus courant,souvent inadapté. Un de nos principes méthodologiques de base sera de ne pas isoler lesdifférentes éléments de la réalité economique,sociale y politique.L'échange des idées est indispensable pour comprendre lesrelations dialectiques qui caractérisent aussi bien les relationsentre le Sud et le Nord -ces termes sont ambigus, laissant croire àune détermination géographique, mais "sous-développeest ambigu, "pays en voie de développement est une hypocrisie, et"Tiers-Monde" laisse croire à une unitéé de tousles pays concernés, unité qui n'existe plus !!!- que lesinterdépendances, tout aussi dialectiques, entre le système financier,les banques et le système monetaire, et l'économie réelle,ou les liens entre le système des prix et le problème des migrations,etc.

  Il seraimpossible de traiter de ces différents sujets sans tenir comptede l'evolution globale du capitalisme, en toutes ses contradictions.On comprend aisément que les EEUU connaissent quelques évolutionspositives dans leur économie, quand on saitqu'ils peuvent payer leurs deficits en leur propre monnaie, et il n'estpas contradictoire d'admetre que cette demande aux autrespays puisse être un élément qui limite l'accroissementdes tensions deflationnistes.  Mais, d'un côté, ce n''estpas une raison suffisante pour avoir une force militaire excpetionnelle, financéepar les déficits budgétaires reportés sur le restedu monde, destinée à contrôler les autres pays, leur imposerdes régles spécifiques dans le seul intérêtde ce pouvoir mondial, et infléchir les décisions des institutions internationales, et d'un autre côte,la concentration extraordinaire que l'on observe actuellementpose de nombreux problèmes en ce qui concerne la capactiéde gestion d'un monde globalizé. A ces problémes s'ajoutente,en de nombreuses régions du monde des phénomènes quien vont pas sans poser beaucoup de questions: le chômagede masse, et ses graves conséquences (pobressa, exclusion, etc.),la corruption sous toutes ses formes qui font disparaîtretoute norme et toute valeur, le traitement des peuples que l'on appelle"indigénes", le transfert par force de peuples entiers,les conflicts interieurs en diversesnations, la pollution -celle des riches(avec cette idée invraisembable de droits à la pollutionet d'eau, de bois, etc.)- le risque de la ruptura de l'auto-suffisancealimentaire, la drogue qui se substitue aux pommesde terre parce que les prix de ces deux produits sont tels que la droguepermettent aux paysans de vivre, et que les pommesde terre en le leur permettent pas, le développement  des plusgraves maladies (tuberculose, sida, malaria, maladie de Chagas)du fait de la diminution des budgets des Etats, etc., etc.

  C'est pour tout cela que le Réseau Eurolatinoaméricain "Celso Furtado"a l'obligation - une obligation scientifique- de en refuserd'isoler les aspects politiques des aspects économiques de la réalité.Ainsi le Réseau se retrouve dans la nécessité d'analyserde manière approfondie les phénoménes politiques pourouvrir de nouvelles voies aux peuples qui subissent ces phénoménesd'une grande gravité et en soufrent lourdement, et aux mouvementssociaux. On en pourrait donc pas soutenir que le débat sur les politiques economiques est extérieur au champde l'analyse scientifique. Il est indispensable d'analiser les conséquencesdes politiques conrétes d'un point de vue scientifique. Il existeune science politique, l'économie a toujour été appeléetraditionnellement "économie politique". Ce n'est pas l'économie abstraite qui peut être considérée comme scientifique,mais le mode d'analyse qui tient compte des divers aspects de la réalitésociale et, en particulier de ses déterminants
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