ANTONIO RAO
Reçu
docteur en Sciences Politiques, a developpé de '64 à '69
nombreuses activités dans le champ
du
développement économique, en collaborant, entre autres, avec
la revue "Nord e Sud",
l'Association
Progrès Economique, l'Association RéveilNaples. Se recherches
dans cette période ont
été
surtout sur ce qu'on peut définir économie politique de la
reforme, i. e.l'identification des marges
de
manoeuvre (politiques, économiques, culturelles) pour la réalisation
d'objectifs désirables, qui
étaientalors
l'industrialisation du Sud d'Italie et l'aménagement urbain et metropolitain
en Italie.De
'70
à '79 il a enseigné Géographie économique dans
la Faculté de Sciences Politiques de Padoue,
en
traitant plusieurs thèmesd'économie du développement
et de programmation économique. Tel
enseignement
a été fatigant car la Faculté était l'épicentredes
"mouvements" italiens dans les '70;
il
est culminé dans des initiatives pour affronter un tentatif d'éversion
en '78. Démissionnéde
l'Université
il s'est trouvé en considérable trouble personnel.
De
'84 il s'est dédié à l'approfondissement d'une économie
de type institutionel et structurel. Il a
fondé
et dirige à Padoue le centre d'étude "Sud e Nord" qui se
propose de trouver des liaisons
entre
les grands courants du Christianisme, du marxisme et du libéralisme,
et aussi des cultures
non-européennes.
Crises Economiques et Crises Destheories Economiques
Dualismo
e crescita nell'economia italiana, en Contribution occasionelle du Centro
Studi Sud e Nord,
décembre
1997. 36 pp.
Come
uscire dalla depressione sociale. Saggio sul pensiero economico ed il mutamento
sociale,
en
Contribution occasionelle du Centro Studi Sud e Nord, mai 1997. 351 pp.
Il
razzismo storia sotterranea dell'Occidente, en Contribution occasionelle
du Centro Studi Sud e
Nord,
septembre 1993.
Scienza
economica e valori umani, en Contribution occasionelle du Centro Studi
Sud e Nord,
septembre
1992. 7 pp.
Verso
un nuovo paradigma dell'economia, en Contribution occasionelle du Centro
Studi Sud e Nord,
décembre
1991.
Programmazione
e struttura economica, in Contributo occasionale del Centro Studi Sud e
Nord,
luglio
1991, pp. 23.
Verso
un nuovo paradigma dell'economia, in Contributo occasionale del Centro
Studi Sud e Nord,
settembre
1990, 32 pp.
Dualismo
e crescita nell'economia italiana, en Contribution occasionelle
du Centro Studi Sud e Nord, décembre 1997.36 pp.
On démontre que le développement
économique italien de l’unité nationale (1860) jusqu’à
1950 a eu lieu selon un mécanisme de substitution dualistique des
conditions manquantes, en entendant avec cela que: 1) le développement
arriéré a lieu dans des conditions differentes de celui qui
l’a précédé parce que nombreuses caracteristiques
de ce dernier sont absents (p. e.entrepreneurs déjà formés,
marché des capitaux disponibles pour l’investissement); 2) la substitution
de ces conditionsmanquantes se produit en tirant des avantages de la coexistence
d’un secteur moderne en formation et d’un secteur retardé (p.e.
drainage de capitaux et de main-d’oeuvre peu coûteuse, brain drain).
Pour cette période le développement italien estencadré
dans le contemporain développement européen. On montre que
les principales interprétations de la politiqueéconomique
italienne du ’63 au ’70 ont étées faussées par un
manque de compréhension du fait que le "décollage" del’économie
italienne s’est produit seulement dans la période ’50-’62. On montre
aussi le rôle de la prophécie quis’auto-accomplie dans les
erreurs de la politique économique commis après 1970; c’est
à dire comme des prévisionserronément pessimistiques,
dues au climat de l’opinion publique, se soient traduites dans des mesures
fausses surtout en rapport au Sud du pays. Le mécanisme de substitution
dualistique des conditions du développemnt a impliqué, jusqu’à
1950, un prélèvement net sur les ressources du Sud, comme
condition pour permettre au Nord italien une récupération
de son fort retard économique quant aux principaux pays de l’Occident.
Après cette date il y a le démarrage d’une politique de ré-equilibre
économique, interrompue surtout par les erreurs des années
soixante-dix.
Come uscire
dalla depressione sociale. Saggio sul pensiero economico ed il mutamento
sociale, en Contribution occasionelle du Centro Studi Sud e
Nord, mai 1997. 351 pp.
Le livre présente une méthode pour
la critique des idées économiques, une révision du
"paradigme" de l’économie et la prospective politique qu’on en peut
tirer. La méthode consiste dans une fusion du principe popperien
de "falsification" avec la critique des idéologies d’auteurs tels
que K. Mannheim, G. Myrdal, P. Streeten. Il suit de là une comparaison
entre la sélection naturelle des idées sociales et la sélection
artificielle des idées économiques. En plus d’une "falsification"
de la théorie standard, il faut une "falsification" des valeurs
fondée sur un contrôle de la sélection naturelle des
idées sociales. On montre l’utilité d’étudier les
procès de domination économique par un nouvel appareil. La
révision du "paradigme" (cfr. même n. 4 et 5) est centrée
sur l’interprétation des structures, vues comme invariances relatives
de proportions et relations asymetriques. Les économies externes
sont présentées comme le trait d’union entre les unités
et les structures. On étudie l’innovation et la écision dans
leurs relations avec les structures. On élabore un index input/output
d’économies externes pour les investissements. Le nouvel appareil
a été donc élaboré en composant ensemble structures,
marché et croissance, suivant l’enseignement de F. Perroux. Il y
a une application de la méthodologie et de la révision théorique
à l’interpretation du changement social et de ses conséquences
économiques. Une difference d’innovation est présentée
comme le trait du sous-développement dès le démarrage
de la révolution industrielle. Chaque nouvelle vague laisse davantage
arriérés les zones qui ne peuvent participer à ce
procès. Cette différence finit par mettre les unes en face
aux autres des économies dominantes et des économies dominées.
Le premier type de zones tende aujourd’hui à une patologie des besoins
dont suit qu’une grande part du produit sert à atisfaire besoins
créés par la croissance même. Dans le deuxième
type l’infériorité dans les innovations conduit à
une poursuite perpétuelle qui risque de dissiper leur modestes ressources.
La pleine assimilation d’une génération donnée d’innovations
sera frustrée par le fait que le "centre" se trouve à faire
l’experiénce de générations d’innovations successives.
La périphérie devient ainsi presque un cimetière d’innovations
avortées pour des raisons qui ne peuvent s’expliquer par ses seules
conditions internes.
Crises Economiques et Crise Destheories Economiques
Pour plusieurs
années, à partir de la seconde moitié des années
Soixante, on a beaucoup écrit sur la crise des théories économiques.
Puis, soudainement, ces idées dont l'evidente insuffisance avait
été à l'origine du débat sont devenues des
vérités presque indiscutables. C'est le cas, surtout, de
l'idée d'équilibre; bien que d'autres conceptións,
celle de la rationalité des agents et celle de la parfaite mobilité
des facteurs, aient reçu une réhabilitation.
Il razzismo
storia sotterranea dell'Occidente, en
Contribution occasionelle du Centro Studi Sud e Nord, septembre 1993.
Scienza economica
e valori umani, en Contribution occasionelle du Centro Studi Sud e Nord,
septembre 1992. 7 pp.
On analyse briévement
la relation entre la crise des théories économiques et la
crise de la modernisation. La crise des théories économiques
est examinée soie en rapport à l’économie standard
qu’à l’économie du développement. Les principaux aspects
de la crise de l’économie standard sont identifiés avec la
fausse prémisse méthodologique de l’a-valutativité
à laquelle il ne faut pas remplacer l’idéologie mais une
méthodologie capable de construire un rapport correct entre premisses
de valeur et énoncés analitiques/empiriques; et avec l’erronée
adhésion au model de l’équilibre qui doit être remplacé
par la dinamique économique. En ce qui concerne l’économie
du développement une raison de crise profonde est vue dans l’acceptation
d’une version ingénue de la "domination/dépendence" à
laquelle on propose de substituer un model, fondé sur la dinamique
économique, qui soit capable de considérer une ample gamme
d’effets de polarisations, reflux et arrêt, qui est decrit dans les
études n. 2, 4, 5. On montre la connexion existante entre la crise
de l’économie de développement et la crise de l’idée
de modernisation vue comme un model de croissance unilinéaire. D’une
façon analogue on montre la connexion entre la crise de la modernité
vue comme modernisation matérielle et la crise de l’économie
standard. Cfr. surtout même l’étude n. 2.
Verso
un nuovo paradigma dell'economia, en Contribution occasionelle
du Centro Studi Sud e Nord, décembre 1991.
Programmazione e struttura economica, in Contributo occasionale del Centro Studi Sud e Nord, luglio 1991, pp. 23.
Le concept de
structure économique doit être soustrait aux élaborations
formalistiques qui l’identifient à travers une simple application
de la mathématique et de la statistique aux phénomènes.
Celles-ci sont seulement des instruments qui doivent être orientés
par une intuition de structure centrée sur le concept d’asymétrie
selon une indication de F. Perroux. L’étude de la structure conduite
selon telle intuition de l’asymétrie conduit à reconnaître
dans l’invariance relative de proportions et relations asymétriques
le feu de l’analyse. Il suit de là une critique de la théorie
du commerce international H.O.S. , critique qui se concentre sur indivisibilités,
procès cumulatifs, complémentarités etc. qui rendent
presque définitives, faute d’actions correctives, les differences
économiques spatiales.
Verso
un nuovo paradigma dell’economia, in Contributo occasionale
del Centro Studi Sud e Nord, settembre 1990, 32pp.
Les théories
économiques quand ne naviguent pas dans le ciel de l’abstraction
pure sont la dilatation de quelque problème speciphique qui s’est
présenté dans le cours de l’histoire concrète, surtout
celle des derniers deux siècles. Une procédé pour
sortir du relativisme que cette tradition entraîne consiste à
chercher un critère interprétatif unique de l’époque
qui s’est ouverte partir de la première révolution industrielle.
À cette étape de la recherche on s’est préoccupé
d’identifier simplement des instruments analytiques. Tels sont apparus
les concepts de procès cumulatif, rendements croissants, pôle
de développement et effets d’entraînement; mais surtout le
rapport input/output d’économies externes pour chaque investissement.
Il suit de là la démonstration de l’insuffisance du model
de l’équilibre général et la construction d’un model
de concurrence impairfaite (qui comprends profondes asymétries)
très loin de ceux connus (Chamberlin, Robinson). Le modèle
présente des points de contact avec la dinamique de F. Perroux (équilibre
englobant), mais en diffère dans le point de reconnaître autant
d’importance aux effets des structures sur les agent qu’à ceux des
agents actifs (industries traînantes) sur les structures. On évite
les extrêmes autant de l’"olisme" que de l’individualisme. La théorie
keynesienne est considérée, pour la liaison entre le concept
de multiplicateur et les instruments analytiques proposés, mais
elle est envisagée comme un cas spécial de concurrence imparfaite.
Cfr. n. 2
Pour plusieurs années, à partir de la seconde moitié des années Soixante, on a beaucoup écrit sur la crise des théories économiques. Puis, soudainement, ces idées dont l'evidente insuffisance avait été à l'origine du débat sont devenues des vérités presque indiscutables. C'est le cas, surtout, de l'idée d'équilibre; bien que d'autres conceptións, celle de la rationalité des agents et celle de la parfaite mobilité des facteurs, aient reçu une réhabilitation. Cela n'a pas accru leur valeur conceptuelle ni réduit l'influence négative qu'elles exercent lorsqu'elles sont appliquées en la politique économique. Dans ce bref exposé, je soutiens la thèse que derrière chaque nouvelle crise économique on peut voir quelques aspects de cette crise persistante des théories économiques et qu'il est nécessaire de suivre une autre route dont j'êndiquerai quelques tendances principales.
À propos des récentes crises financières
1. Après la chute de Wall Street d'octobre 1987, les doctrinaires du "retour au marché" ne se sentirent pas démontés par le crack. Ils accusèrent les déficit fédéraux, des fautes réelles ou imaginaires des investisseurs "institutionnels", même le program trading et, naturellement, les restrictions administratives. Et cependant ce furent les taux élevés d'intérêt adoptés comme traitement "néolibéral" (1) de l'inflation qui avaient attiré des capitaux de l'étranger, surchauffé la bourse, apprécié le dollar, détérioré le déficit commercial américain. C'était l'imposition fiscale régressive "néolibérale" à l'origine de la promotion, au lieu d'investissements productifs, de la liquidité qui débouchait sur la spéculation. C'était la confiance dans la rationalité des opérateurs, inspirée par le milieu académique, à favoriser l'indulgence pour les takeover. Malgré tout cela, la théorie restait confirmée, comme ce fut le cas dans les autres deux crises plus éclatantes des dernières années: celle du Mexique en 1994-95 et celle de l'Asie de l'Est en 1997. Le Mexique avait subi plusieurs années de traitement monétariste - encore plus délétère qu'aux Etats Unis - après une précédente crise financière, la crise de la dette de 1982, qui avait créé une lourde dépendance, idéologique aussi, vers les créditeurs. La croissante complexité des marchés financiers était était suivie d'un "progrès" dans la théorie financière qui avait créé l'illusion qu'on pouvait trouver pour le remboursement de la dette une solution à l'aide du marché: le célèbre "recyclage" de la dette. Le tout se termina avec une fuite de capitaux, dès que la stabilité du peso fut en danger. Dans l'Asie de l'Est, des économies jusqu'à récemment prisèes soit pour leur taux élevé de croissance soit pour leur ouverture à l'extérieur, ont été bouleversées par un orage financier à cause du retrait, comme au Mexique, des capitaux à court terme. Dans les deux cas, en observant la règle adoptée au lendemain de l'écroulement de Wall Street, on a glissé sur la spéculation. Les expérimentations avec les taches d'encre ont depuis longtemps démontré, en psychiatrie, que l'esprit humain refuse le chaos. Une explication insuffisante est, ainsi, pour la majorité, beaucoup mieux qu'une admission d'ignorance, en particulier, quand des enjeux professionnels et économiques sont mis en cause.
2. Discuter de la crise d'une économie particulière signifie donc s'occuper aussi de la crise des théories économiques, à l'origine des diagnostics et des thérapies. Autre aspect de cette crise des théories: le fait que soit en train de se développer une économie politique des crises financières - en face d'une situation toujours plus grave - qui tend à négliger les différences entre les économies où les crises se sont produites. Avant de tirer les leçons d'une crise pour mieux affronter la crise successive, il faudrait apprendre à encadrer clairement chaque économie. Au demeurant, la théorie économique standard (la micro et la macroéconomie des manuels) ignore les différences car elle fait l'hypothèse d'un espace homogène de concurrence parfaite (Perroux) où il n'y a pas de place pour les asymétries et les autres hétérogénéités du monde réel. Pour en revenir à l'exemple du Mexique, avant l'affaiblissement du peso, la confiance de l'investissement étranger de portefeuille était venue du fait que le gouvernement mexicain avait réalisé les réformes "néolibérales" déjà mentionnées, qui avaient convaincu les agences d'évaluation aux Etats Unis à élever la qualification des titres mexicains (Correa 1998). La doctrine poussait à croire que l'alignement des politiques selon le modèle du marché ouvert donnait des garanties suffisantes. Selon une tradition qui remontait à l'euphorie préparant l'écroulement de Wall Street en 1987, on faisait encore plus attention au rendement qu'à l'assurance des titres. En 1993, l'investissement étranger (surtout nordaméricain) dans le marché de l'argent et des capitaux avait attaint 9,3% du PIB grâce à la haute qualification des titres mexicains donnée par Moody et Standard and Poor (Correa op. cit); cette haute qualification fut retirée peu après, en devenant probablement la cause principale de la fuite des capitaux. Au demeurant, les avantages attendus par le gouvernement mexicain de l'ouverture financière étaient eux aussi fondés sur l'idée "orthodoxe" que l'internationalisation financière permet une meilleure répartition de l'épargne à l'échelle mondiale grâce aux mouvements de capitaux, ce qui améliore l'allocation des ressources au niveau international et égalise les taux de rendement des investissements mondiaux (H. Guillen Romo 1996). La route suivie pour surmonter la précédente crise de la dette au Mexique avait été celle du "recyclage": chercher à transformer les paiements des interêts du débiteur en investissements d'épargnants du pays créditeur dans le pays débiteur (Dornbusch 1998, H. Guillen R. op. cit.). Selon Dornbusch, une réduction de la dette aurait conduit à un allègement de la balance extérieure, en encourageant une croissance de la production intérieure du pays débiteur et en créant des moyens plus copieux pour le paiement du service de la dette. Mais pour atteindre ce résultat, il fallait recourir aux grands fonds d'investissements (Usa), les seuls capables de placer les titres de la dette ainsi "recyclée". On pensait, selon la logique de l'espace de concurrence homogène, que la libéralisation du marché financier mexicain et la stabilité de la monnaie auraient été suffisantes pour rendre possible cette solution. Des investissements à court terme devaient servir à financer une transformation structurelle, nécessairement à long terme. De plus, pour faire échouer cette solution il a suffit que se créât une balançoire de confiance et de défiance et que montassent les taux d'intérêt aux Usa.
Les politiques économiques qu'on vient d'examiner avec un peu plus de détails sont le résultat de la crise des théories. La croissante spécialisation et emphase sur les élégantes techniques analytiques dans les études économiques, a été acquise, au moins dans une certaine mesure, aux frais du réalisme et de la pertinence quant aux interrogatifs politiques de notre temps (Streeten 1993). Les économistes des pays pauvres ou relativement frêles recourent donc aux techniques et aux théorisations, nées dans les pays riches pour satisfaire la logique de la croissance cumulative de la profession, avec les relatifs sous-secteurs et les standard correspondants d'excellence. Des idées informes ou "recyclées" se cristallisent prématurément en nouvelles orthodoxies. La sélection pratiquée à travers les revues, les éditeurs, les concours, les positions de conseiller, impose à ceux qui vont rester dans le milieu un type de formation qui réduit leur utilité sociale. Mais le noyau des recherches sophistiquées reste le principe du laissez faire du XIX siècle.
Espace économique et remplacement des condition manquantes pour le pays en voie de développement
3. Pour comprendre un phénomène il faut l'insérer dans un conteneur ou une catégorie plus ample qui en donne une justification ou le décrit. On peut obtenir ce conteneur seulement à l'aide de l'abstraction. Pour que le procédé d'abstraction soit scientifique, il est nécessaire que l'abstraction-conteneur émerge de la critique des abstractions-conteneurs déjà connus. L'économie standard ignore les asymétries et les autres hétérogénéités du monde réel, pour se référer à un espace homogène de concurrence. On ne dit rien sur la manière dont une économie est en train de se construire:
- ni sur le fait que les activités, leur connexions, leur dimension d'ensemble, leur cohérence structurelle, doivent atteindre une "masse critique", soit une valeur-seuil qui consente un niveau compétitif de productivité dans un monde durablement asymétrique et hétérogène;
- ni que l'obtention de cette "masse critique" demande, en condition de retard économique, une substitution de conditions manquantes;
- ni sur les changements temporels soit de la "masse critique" que de la "substitution".
En général le "mécanisme" de substitution se réfère au fait que, alors que dans les économies first comers se présentait presque simultanément, à l'amorce du décollage, un ensemble de conditions, comme la disponibilité de capitaux, les habilités des entrepreneurs, un Etat efficient, la technologie, une main d'oeuvre aisément qualifiable, etc., quelques-unes de ces conditions sont d'autant plus défectueuses que le degré de retard est plus grand. En conséquence, pour les "derniers arrivés" (late comers), amorcer le développement équivaut à trouver des "remplaçants" des conditions qui manquent (Gerschenkron). Cette situation indique une ligne de recherche à approfondir pour mettre à feu la spécificité des différentes économies: intégrer les données obtenues à l'aide des abstractions mesurables de l'économie standard avec une interprétation des conditions manquantes et des substitutions intervenues. Notre conteneur est le concept d'espace économique, auquel a donné une contribution remarquable F. Perroux. Perroux amorça ce type de recherche en distinguant les structures, les activités des agents, les asymétries, les dominations ou les constrictions, la poussée des agents pour enlargir leurs espaces (de décision, d'opérations), les secteurs actifs et les secteurs passifs, les champs de forces, la propagation des flux financiers de secteur à secteur, en fonction de l'articulation structurelle de ceux-ci (de Bernis 1978). L'insistance de Perroux sur les asymétries et les macrodécisions a conduit certains à interpréter l'espace économique surtout comme l'espace structuré par des catégories particulières d'agents (les multinationales). Si on exagère cet aspect, on finit pour faire du pouvoir un Deus ex machina, un explanans qui aménage tout et ne demande pas, à son tour, d'être interprété (sans satisfaire ainsi les qualités requises par une bonne abstraction-conteneur). C'est ce qui est arrivé avec la théorie de la dépendance. Le pouvoir est certainement important, mais s'il est considéré comme le seul facteur, on est encouragé à ignorer ce qui était le point central pour Perroux, c'est-à-dire un espace économique qui consente de reconstruire une interdépendance globale bien différente de celle néoclassique: dynamique, asymétrique, modelée (en partie) par des agents actifs, mais non réductible à des acteurs qui exercent un pouvoir presque absolu.
Dans ce contexte l'aspect apparemment plus trivial de la contribution de Perroux interesse davantage: il s'agit de la distinction entre l'espace banal, soit le territoire défini par les coordonnées géographiques, et l'espace économique, construit par un système de relations (économiques, mais pas seulement). Cette distinction nous intéresse car à l'aide du concept d'espace de relations nous pouvons dégager plusieurs dimensions de l'espace économique: espace de production, espace financier, de la consommation; et, eventuellement, espace technologique, d'informations ou autre, selon les exigences de la recherche. L'utilité de cette distinction se fait claire si on considère que le système économique global est constitué, certainement, par les différentes économies nationales, sub-nationales, sovra-nationales (que, réunis, nous pouvons appeler conventionnellement "locales"). Mais l'espace économique est quelque chose de different de leur somme. Se référer a cela signifie avant tout porter l'attention sur les relations entre ces économies "locales" qui échappent à une localisation précise. D'autant plus les interdépendances à distance à l'intérieur de l'espace économique sont nombreuses d'autant moins que le système economique global peut être identifié comme un système de relations entre économies placées dans l'espace banal. Les liaisons de secteurs intérieurs, ou fractions, des économies individualisées par le territoire (les économies des espaces banals) avec des activités extérieures rendent nécessaire, avant tout, interpréter l'espace économique constitué par cet ensemble de relations, pour remettre à leur place, après (et ré-interpréter), les économies "locales" dans le contexte du système global. Si on met en rapport les espaces de relations ainsi définis avec les espaces banals (nationaux, sub-nationaux, sovra-nationaux), nous observons deux choses: la façon dont ces espaces banals sont insérés dans les nombreuses dimensions de l'espace économique; la connexion entre ces différentes dimensions à l'intérieur de chaque espace banal. On observe le degré relatif de développement et les substitutions possibles des conditions manquantes, dans le contexte des différentes dimensions de l'espace économique variables dans le temps. Cela consentirait de donner une base un peu plus objective à la politique économique actuelle et aussi aux évaluations sur les politiques économiques passées. Pour donner des exemples sur les possibilités de cette méthode fondée sur une critique ouverte de la théorie économique standard, je considérerai brièvement deux groupes de problèmes: a) la question de l'industrialisation "substitutive" des importations (ISI) au Mexique (avec des allusions à toute l'Amérique latine) comme "remplaçant" de quelques conditions manquantes, dans le contexte de l'espace économique mondial dès la Grande Crise jusqu'à la fin des années Soixante; b) le problème de la substitution de conditions pour le Mexique dans le contexte des tendances de l'espace économique mondial depuis la fin des années Soixante. Etant donné que le but est simplement celui de montrer les avantages d'une méthode ce qui suit n'est qu'un exercise de démonstration.
4. Jusqu'aux années Cinquante il y a eu, au Mexique comme dans d'autres pays de l'Amérique latine, un certain processus de croissance, qui avait été la conséquence d'adaptations à des changements extérieurs. Comme on sait, la phase initiale d'exportation de produits primaires au XIXeme siècle fut suivie par une libéralisation des importations, surtout pour satisfaire le besoin de cristallerie, soie, voitures, liqueurs, etc., européens, des groupes de propriétaires. À fermer le robinet des importations furent, au début, la première guerre mondiale et, après, la grande dépression. On se rendit alors compte que "les systèmes nationaux avaient une potentialité intérieure de développement beaucoup plus grande que n'admettait le schéma traditionnel de l'exportation primaire (Pinto 1969). En outre, la demande décroissante des produits primaires, à cause du changement technologique, dans les pays importateurs du "centre" donna une ultérieure poussée dans cette direction. Suivit la phase que Anibal Pinto a appelée "l'industrialisation non intentionnelle", qui a duré, plus ou moins jusqu'à la seconde guerre mondiale. Après une période d'incertitude, la réaction à la grande crise de 1929 avait été une stricte administration des échanges avec l'étranger et, en outre, plusieurs formes d'intervention publique (subsides sociaux, programmes extraordinaires de travaux publics, expansion créancière). L'industrialisation se développa comme "un dérivé de phénomènes au dehors de son orbite spécifique et spécialement de cet élément moteur et original qui était l'interruption du modèle traditionnel de transactions avec l'extérieur dans son expression la plus aigue: la réduction de la capacité d'importation" (Pinto). Graduellement ce procès devint conscient. Un passage décisif est le recours aux plans de développement des années Cinquante, demandés, il est vrai, par les organismes internationaux de financement, mais adoptés dans quelques cas, comme ceux du Chili et du Mexique, avec conviction et détermination. Les animateurs de ce processus étaient bien conscients du concept de degré relatif de retard, bien que ce concept ne soit jamais formalisé (v. p. ex. Urquidi, 1961). Et ils savaient que le degré relatif de retard entraîne un apprentissage à l'aide d'un processus par essais et erreurs. Planification et industrialisation, du moins dans le cas du Mexique, allaient d'accord avec les équilibres fondamentaux (cfr Navarrete 1960, Hirschman 1987). L'équilibre de la balance des paiements fut poursuivi contenant les importations dans les limites des moyens de paiement disponibles.
Déjà à ce point, on dispose de quelques éléments pour tenter de mettre en évidence la spécificité d'une économie, par rapport à son degré relatif de retard. Le Mexique se trouvait en arrière par rapport aux pays industrialisés, jusqu'à la seconde guerre mondiale, beaucoup plus qu'un cycle entier Kondratieff, car en 1940 les pays industrialisés avaient largement exploité les possibilités de l'électricité, de la chimie et de l'industrie d'automobiles, pendant qu'au Mexique on était à peine à l'amorce d'un processus d'industrialisation. Au début, en Amérique latine, furent substituées, comme on l'a vu, les importations manquantes à cause du déclin du commerce international; les capacités des entrepreneurs, qui, n'étant pas encore assez répandues, furent ensuite substituées, soutenues ou promues, selon les cas, par les agences publiques ou semi-publiques. L'espace de production mondiale était encore centré, au début de cette expérience, sur l'industrie lourde. De plus, les interdépendances inter-industrielles demandaient la proximité géographique pour le noyau principal des activités. L'espace financier était centré sur le gold standard et sur la position dominante anglaise jusqu'à la guerre; puis, sur les taux de change fixes du gold exchange standard et sur la position dominante des Usa depuis la fin de la guerre jusqu'à la décision de rendre inconvertible le dollar (1971). Jusqu'à la fin des années Soixante le Mexique, avec d'autres pays de l'Amérique latine, avait développé des industries légères de biens de consommation, le montage d'électroménagers et autres biens durables similaires, la production de fer et d'acier, pulpe de bois et papier, produits chimiques de base, matériel de construction et autres semi-produits. La protection était assurée non seulement par les tarifs et les restrictions sur les devises, mais aussi par les frais de transport des productions concurrentielles, à cause de la concentration de ces dernières (p. ex. "rust belt" aux Usa, Ruhr, Lorena). Le degré relatif de retard est exprimé, à mi-chemin de ce processus (en 1961), du fait que l'économiste mexicain Urquidi considérait l'Amérique latine préparée pour une intégration économique régionale qui maintenait des barrières vers l'extérieur; mais rien de plus (Urquidi 1961). A la fin du processus (1969), le degré en question était exprimé par l'évaluation de l'économiste chilien Anibal Pinto, pour qui la substitution, pour s'ouvrir la route vers un degré plus complexe d'industrialisation, venait de l'investissement étranger. Pour quelques décennies, grâce à la dynamique des connexions en amont dans l'ISI on était parti des industries de biens de consommation qui apportaient des retouches finales aux pièces et demi-produits importés, pour remonter graduellement, donc, à la production de demi-produits et de machines. Le modèle était rendu favorable par le fait qu'était encore possible un certain isolement des industries correspondantes à un cycle plus ancien, à l'égard des innovations technologiques plus récentes. La crise de l'ISI commence lors-que la dynamique des connexions en amont rencontre un obstacle dans le nouveau modèle de localisation mondial des demi-produits et des pièces détachées, que nous allons examiner, et dans l'accélération de la production.
5. Nous arrivons ainsi à la phase successive, celle du remplacement des conditions manquantes dans le contexte des nouvelles tendances de l'espace économique depuis la fin des années Soixante. Il faut distinguer entre l'espace de production et l'espace financier, parce que c'est justement dans cette période que se produit un écartement croissant entre les deux. D'une part, l'espace de production joint sections ou fractions de diverses économies, individualisées par un territoire ou espace banal, à grande distance. D'autre part, l'espace financier, soit en raison de la nature que de la vitesse des flux qui le constituent, tend à perdre les liaisons qui traditionnellement l'unissait à l'espace de production outre qu'au territoire. Sur le plan financier, l'instabilité devient donc presque définitive, après la déclaration d'inconvertibilité du dollar en 1971. Sur le plan de la production, des changements importants ont lieu dans l'organisation, la localisation, l'innovation technologique et dans la vitesse de remplacement des produits. Les innovations technologiques se réalisent "à grappe". La "grappe" de la fin des années Soixante embrassait l'automation sur une large échelle, la nouvelle chimie, les applications qui derivaient des découvertes spatiales, l'industrie atomique et le gigantesque marché aéronautique. Plus tard on assiste à l'expansion du marché des microprocesseurs avec la gamme de machines qu'ils incorporent, la télématique a fait de grands progrès, se sont diffusées la technique génétique et les biotechnologies. Le développement de la technologie des communication sur grandes distances, avec l'expansion de nouvelles productions technologiquement avancées, a consenti la diffusion d'entières filières de production de demi-produits et de pièces détachées à des milliers de kilomètres des sociétés-mères (Claval 1994). Jusqu'il y a trente ans environ, les échanges entre fournisseurs et utilisateurs, les echanges d'informations et des autres économies externes demandaient une proximité entre les activités. En dérivait une tendance à la concentration spatiale, surtout près des villes et des métropoles plus importantes. Il en était ainsi pour les connexions en amont, du produit fini aux démi-produits ou aux matières premières ou aux équipements qui servent à le produire. De même pour les connexions en aval, lors-que l'existence d'une ligne donnée de produit stimule la création d'une autre ligne qui utilise les inputs de la première. Seuls les établissements grands utilisateurs de matières premières, aux frais élevés de transport, et certaines entreprises de biens de consommation orientées vers les marchés pouvaient se placer loin de ces concentrations. La diffusion de la production des produits intermédiaires et des demi-produits a transformé le modèle spatial de ces connexions, qui peuvent se maintenir même à grandes distances. Au début des années Soixante-dix les industries électroniques, en particulier, étaient en train de procéder à l'internationalisation de leur production. Les industries américaines de semi-conducteurs créèrent leurs propres établissements dans des pays, y compris le Mexique, avec des salaires plus bas de ceux perçus aux Usa. En 1974 s'étaient déjà établies environ 103 filiales de ce genre au Mexique, en Malaisie, à Singapour et à Hong Kong. D'autres investissements de ce type étaient réalisés dans l'Est de l'Asie par les Japonais; et, parmi les pays intéressés, on note aussi la Corée du Sud et Taiwan (Mateo 1984). Un second changement a concerné, pour ainsi dire, la vitesse de la production. La différenciation des produit a réduit l'importance de la production par séries de masse et a provoqué une accélération des cycles du produit, des stocks et de la consommation qui a augmenté la vitesse de remplacement des biens. Cette accélération a été, naturellement, favorisée par les développements technologiques.
En même temps, l'instabilité financière, accompagnée par une augmentation de la vitesse de circulation internationale de la monnaie rendait obsolètes les financements a long terme, à taux d'intérêt modéré, qui avaient été un des éléments de l'expansion précédente. Depuis lors, la dette est devenue, pour ainsi dire, interchangeable. Se présente désormais comme un flux interminable à travers une gamme très vaste d'instruments financiers convertibles d'une monnaie à l'autre et d'un type à l'autre sans difficulté (Hamilton 1987). Le passage des taux de change fixe à ceux variables et l'existence, dans les années Soixante-dix, de taux d'inflation toujours plus volatiles, dans le monde riche, amorcèrent la course à l'indéxisation qui a été l'un des facteurs-clé de la trasformation du marché de l'argent et des capitaux. "Produits" financiers toujours plus sophistiqués, nés, au début, pour diversifier le risque en face de l'instabilité, sont devenus de simples instruments pour la spéculation et une des sources principales de l'instabilité. Liée au "récyclage" des fonds Opep se constitua une internationalisation de l'activité des banques au point que les opérations avec l'étranger de pays comme la Suisse, l'Angleterre et les Usa constituèrent plus de la moitié de leurs activités. Ensuite, la libéralisation des bourses et les autres transformations dans les marchés financiers (dont, surtout, la création de fonds basés directement sur les marchés mobiliers), la négociation télématique continuelle, l'ultérieure prolifération de techniques financières toujours plus ardies, la multiplication des places financières, l'internationalisation d'autres monnaies (comme le yen), l'autorisation à l'investissement étranger pour les fonds de retraite et autres investisseurs "institutionnels", ont créé l'environment où se multiplient les crises financières: un environment où la monnaie est devenue un bien en soi, négociable sur les marchés mondiaux sous les formes les plus diverses et seulement secondairement un intermédiaire des échanges et un lien entre épargnants et investisseurs. Bien autrement de ce qu'enseigne l'économie des manuels - qui est la base de la majorité des décision actuelles de politique économique - la spéculation est devenue une barrière entre la finance et la production. L'espace financier s'est constitué séparément de l'espace de production, devenant toujours moins fonctionnel.
Il faut comprendre clairement les problèmes d'adaptation qui, dans le contexte de ces tendances de l'espace économique mondial, se présentaient pour l'économie mexicaine. Dans la première phase l'Amérique latine demontra une capacité rémarquable à réagir avec les adaptations nécessaires aux divers défis. Le "mécanisme" de la substitution était centré sur la mobilisation de ressources intérieures et fonctionnait d'une façon plus ou moins efficace, mais substantiellement positive. Le processus d'apprentissage continuait au point que dans les années Soixante, après avoir procédé à un regroupement des diverses initiatives, en les groupant en programmes plus ou moins vastes, on se rendit compte que l'efficacité des agences tendait à se réduire à fur et à mesure que les objectifs du développement s'élargissaient et s'intégraient. Le Mexique avait condensé en trente ans de croissance continuelle le deuxième et le troisième Kondratieff (de l'acier, chemins de fer à l'électricité, aux véhicules à moteur, à l'industrie chimique). Même si l'on peut le considérer comme un grand succès, les zones avancées de l'économie mondiale étaient en train d'épuiser le quatrième (computer, industrie aérospatiale, énergie nucléaire) et d'entrer dans le cinquième Kondratieff (biotechnologies, télématique, microprocesseurs, technique génétique), selon l'extrapolation de Peter Hall (1981). La nécessité d'établir le degré relatif de retard à l'égard du trend dominant était clairement compris par les économistes latino-américains que j'ai déjà nommés. Rémarqua Urquidi en 1961: " On pourrait dire que l'Amérique latine est en train de comprimer tous les étages du développement industriel. Il y a cependant d'urgents motifs à la base de cette nouvelle politique" (Urquidi 1961). En même temps, arrivaient dans les économies dominantes les transformations qui ont radicalement changé la finance internationale. Jusqu'alors, le secret du relatif succès avait été, on l'a dit, la capacité d'adaptation rapide à des défis qui venaient surtout de l'extérieur. Depuis la fin des années Soixante, les défis étaient soit intérieurs qu'extérieurs et le vieil équilibre était rompu.
Quelques conclusions
6. La critique de la théorie standard entraîne habituellement une adhésion ou au moins une association avec le marxisme. Mais, je tiens à préciser, que mes critiques radicales à la théorie economique standard n'entraînent pas cette conclusion. Je considère aussi le marxisme comme une des théories dominantes en crise qui font sentir leur poids négatif dans les crises des économies concrètes (opposition inefficace, fuite dans la théologie économique). Mais je ne pouvais m'engager simultanément sur deux fronts aussi formidables. Mes critiques ne signifient pas, donc, que je veuille refuser une théologie économique au profit d'une autre. Je me suis référé à une voie de sortie de la crise des théories bien différente. Le "néolibéralisme" est fondé sur des assomptions de l'économie standard telles que l'atomisme des agents, les fonctions de production linéaires et homogènes, la divisibilité des facteurs de production, et d'autres encore qui, avec de petites differences parmi les auteurs, constituent l'ensemble des postulats sur lesquels la théorie est bâtie. Ces assomptions négligent la plupart des éléments du monde réel, des économies d'échelle au conditionnement du consommateur, des oligopoles aux différences nationales et régionales (ou entre groupes sociaux), de revenu et/ou de productivité. Rendements croissants, économies externes, investissements induits, effets d'entraînement, indivisibilité, processus cumulatifs, information, innovation, sont tous des éléments constitutifs des économies réelles. Il y a, en outre, les positions dominantes dont s'occupait F. Perroux, qui considérait le pouvoir et l'influence comme des facteurs distincts. Tous les facteurs signalés conduisent à une hétérogénéité de l'espace économique, tandis que le modèle de la concurrence pure et complète - qui est à l'arrière plan du "néolibéralisme" - admet l'existence d'un espace homogène sur la base des postulats citès ci-dessus. L'hétérogénéité devient encore plus analysable si l'on introduit les distinctions que nous avons vues: les diverses dimensions de l'espace économique, le degré relatif de développement (ou de retard), les relations reciproques entre espace économique et espace banal. Le territoire d'une nation est, selon le raisonnement fait, un espace banal, soit défini par des coordonnées géographiques, à l'égard de l'espace économique pluridimensionnel, défini par des systèmes de relations dans les grands espaces. Cet espace, qui est banal pour l'économiste est chargè de valeurs et de signification pour ceux qui l'habitent. La participation de l'espace banal aux divers complexes de relations identifiables dans l'espace economique (pour n'aller pas au-delà) définit son insertion dans la mondialisation. Pour des raison analytiques ces complexes de relations sont ici distincts; dans la réalité ils s'influencent réciproquement.
7. Il faudrait trouver un nouveau modèle de "substitution". Les gouvernements "néolibéraux" ont pensé qu'une insertion plus complète dans l'espace financier pouvait garantir une sorte de "voie financière" au développement. C'est toujours, on dirait, une idée de "substitution" comme on l'a présentée. Jusqu'à un certain point, la modernisation des institutions financières que les Etats avaient réalisée pouvait être considérée comme positive. On avait créé un marché des capitaux. Les Etats avaient introduit des pratiques plus avancées dans la finance publique. Mais ils n'ont pas tenu assez compte des dangers dérivants d'une insertion trop intégrale dans cet espace financier. Ces dangers viennent soit du degré relatif de retard du Mexique (résumé par les troubles chroniques des parties courantes de la balance des paiement) soit des pathologies que l'espace financier mondial présente. L'espoir des gouvernements "néolibéraux" était, comme on le sait, non seulement que les capitaux étrangers à court terme puissent compenser le déficit des parties courantes, mais aussi que la stabilité financière constituât la base pour un développement à long terme. Cette ligne a été maintenue même après la crise de 1994-95.
En tout cas, l'interdépendance rend difficile pour chaque pays de maintenir sa propre direction cohérente de politique économique; surtout pour les pays avec un degré élevé de "retard" economique relatif. La substitution devrait réussir évidemment à neutraliser les impulsions extérieures négatives et à tirer des avantages de celles qui sont ou peuvent devenir positives. A cet égard, quand on parle des changements intervenus dans l'espace de production, on évoque presque immédiatement les comparaisons (et aussi les polémiques) sur la diverse fonction de l'investissement direct étranger (IDE) au Mexique et dans divers pays de l'Asie de l'Est, car le premier comme les secondes étaient partis presque alignés au èbut des années soixante-dix. Mais il ne faut pas oublier que l'Asie de l'Est eut une politique d'accueil très favorable, avec une participation de l'Etat, déjà à l'époque; au Mexique, comme dans les autres pays de l'Amérique latine, ce était impossible de construire un rapport d'intégration entre l'IDE et les économies nationales dans une situation et un climat idéologique caractérisés par la lutte contre l'impérialisme. Ici encore on trouve le rapport entre les crises économiques et la crise des théories économiques, parce que cette attitude s'est clairement exprimée même sur le plan académique. Aujourd'hui, cependant, les "maquilladoras" représentent une partie importante de l'économie mexicaine; et un rapport avec l'économie dans son complexe doit être trouvé. Selon une étude recente (Chong-Sup Kim 1997), les IDE constituent actuellement le secteur plus efficace de l'économie mexicaine. Mais l'auteur démontre, aussi, qu'il y a une différence entre les IDE des Etats Unis et les IDE du "reste du monde", qui viennent du Japon et de la Corée du Sud. Les seconds, selon l'auteur, auraient beaucoup plus d'effets induits positifs sur l'économie mexicaine. C'est une hypothèse de départ pour reconsiderer la question de l'intégration de l'IDE dans l'économie nationale. Il s'agit de considérer globalement les frais et les avantages de cette expérience. Quand le retard va au delà de certaines limites, qu'on peut empiriquement et analytiquement approfondir en portant plus avant l'approche dont j'ai ébauché quelques lignes, il faut être pragmatique dans le choix des voies de sortie. Si l'Etat, soutenu par l'opinion publique, adopte une politique cohérente pour l'insertion des IDE en conformité avec les objectifs de la société, on peut obtenir le type d'insertion qui est dans l'intérêt du pays d'accueil (à condition, naturellement, qu'il ait des aires communes avec les intérêts des IDE). Les IDE ont été présentés comme un cheval de bataille du "néoliberalisme". Mais c'est un paradoxe, parce que, en condition de retard économique, le problème d'une bonne intégration ne peut être résolu sans l'intervention publique et sans une conception générale du développement de la société qui n'est en rien néolibérale. Une des raisons principales des effets insuffisants induits par l'IDE dans les pays pauvres - et aussi une justification de l'animosité de certain secteur de population à l'égard de l'IDE - est que, à cause de la nature spontanément cumulative des processus économiques, plus est élevé le niveau économique du pays d'accueil, plus il est probable che l'IDE donne un output important d'économies externes. Il est clair que s'il y a une structure productive évoluée, la fabrication deviendra plus importante que le montage, des relations inter-industrielles se pourront former et ainsi de suite; le contraire si la structure productive est élémentaire. On ne peut proposer la substitution des conditions manquantes realisée dans l'Asie de l'Est - du moins sur le plan de la productivité - comme un modèle. Chaque pays a ses besoins spécifiques et ses attitudes. Un des aspects moins considéré du changement technologique à l'heure actuelle est que le progrès, à part quelques secteurs de pointe, n'est pas concentré sectoriellement. Les secteurs de pointe produisent des innovations qui peuvent se propager dans les autres secteurs (on pense, par exemple, aux effets des computers). Ici, il y a un autre passage d'accès au problème de la substitution aujourd'hui. Par exemple une politique publique des parcs industriels et des parcs scientifiques pourrait devenir un "remplaçant" de conditions manquantes pour une meilleure intégration de l'IDE dans un pays. De plus, une politique de ce genre peut influencer l'investissement soit sur le plan des effets induits sectoriels et en général sur la productivité, soit sur le plan de la localisation. Ce dernier point présente une grande importance à l'égard de l'allègement de la condition des zones de chômage, des problèmes de la congestion urbaine et des problèmes écologiques. Ce pourrait être aussi le relais entre secteur formel et secteur informel de l'économie.
On ne peut pas
conclure sans une allusion à la question de l'insertion dans l'espace
financier. Depuis quelques temps, on assiste, enfin, à la prise
en considération de la proposition faite par Paul Streeten, il y
a quelques années (Streeten 1990, 1991): utiliser les avances des
pays avec un surplus des parties courantes pour financer des investissements
à long terme de développement dans les pays pauvres. C'est
une idée de "récyclage" que je trouve bien plus consistante
que celle de la dette "recyclée". L'accueil de cette idée
- que je ne peut examiner en détail maintenant - a été
encore timide et ambigue, mais donne l'occasion de rappeler que si presque
rien de positif s'est fait pendant longtemps, une des raisons principale
a été le manque et, voire, le mépris des idées.
Un changement serait donc très important, même si en général
les crises ne suscitent pas un débat un peu rationnel, bien au contraire
encouragent le naturel fatalisme ou redonnent voix aux enthousiastes des
écroulements.
Exposé écrit par Antonio Rao, Centro Studi Sud e Nord, Padue, Italie
(1) J'ai mis
entre guillements le mot "néoliberalisme", parce je crois qu'identifier
le libéralisme (qu'il soit ou non "néo") avec le culte du
marché de concurrence pure et complète est un abus de language
soit à gauche qu'à droite. La connaissance de l'histoire
du libéralisme dans toutes ses composantes, qui ne sont pas évidemment
simplement économiques, montre que la théorie du libre échange,
qu'il faudrait appeler de manière appropriée "libérisme",
n'en est qu'une partie assez petite. Pour ne pas utiliser le mot, néo-libérisme,
qui n'est pas actuellement dans l'usage commun, j'ai conservé le
mot courant, mais entre guillements.
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